Des centaines de drones survolent illégalement la zone industrielle du Havre

En moyenne, vingt-deux drones survolent quotidiennement la plus grande zone industrielle de France, la plupart sans autorisation. C'est la conclusion de la campagne de détection inédite qu'y a conduit la société Normande Drone XTR pendant cinq mois. Retour sur une étude instructive.


La Tribune: Le 30/06/2022

 

« Zone à risques Industriels – Industrial risk area ». Aux vingt points d’entrées de la Zone industrialo-portuaire du Havre (ZIP), l’une des plus étendues d’Europe, un panneau en deux langues signale aux visiteurs qu’ils pénètrent dans un secteur sous haute surveillance. Faudra t-il aussi y ajouter un avertissement à l’intention des dronistes ? C’est ce que semble suggérer l’étude conduite par la société Drone XTR en partenariat avec les autorités portuaires, la gendarmerie et onze industriels dont TotalEnergies, Yara et Lubrizol.

 

Entre septembre 2021 et février 2022, la PME havraise a mis à profit sa « solution de contrôle de l’espace aérien à basse hauteur » pour quantifier les vols de drones au-dessus de la ZIP. Une première en France dans un tel environnement. Les résultats recueillis sont édifiants.

 

En l’espace de cinq mois, plus de 1.300 engins ont été détectés à l’intérieur de la zone la plus sensible  -dite P28- strictement interdite de survol sans dérogation. « Sur ce nombre, à peine plus de 10% des pilotes étaient détenteurs d’une autorisation du port et de l’armée de l’air. Nous-même avons été surpris par cet afflux sur une zone qui abrite 17 sites Seveso seuil haut », rapporte le président de Drone XTR. Jean-François Adam voulait alerter les autorités et les entreprises sur l’ampleur du phénomène, il a mis dans le mille.

« Une réelle prise de conscience »

 

« L’expérience a provoqué une réelle prise de conscience de la quantité de survols dont personne ne pensait qu’ils étaient si nombreux », reconnaît Jean-Michel Villeval, directeur de l’association Synerzip qui fédère les industriels de la place. Par mesure de précaution, les intéressés ont d’ailleurs  demandé à ce que les antennes de détection soient maintenues en place huit mois de plus.  Chez Drone XTR, on s’attend déjà à repérer davantage d’intrusions illégales.

 

« Les données des semaines passées n’ont pas encore été analysées mais on sait par expérience que les survols sont nettement plus nombreux pendant l’été quand les jours allongent ».

 

Sans attendre les résultats de cette deuxième campagne, Haropa, le gestionnaire du port, et Synerzip consultent des opérateurs afin d’évaluer la pertinence du déploiement d’une solution de détection pérenne et mutualisée (à ne pas confondre avec la neutralisation, apanage des forces de l’ordre). Un appel d’offres pourrait être lancé début 2023 pour l’entièreté de la ZIP. Il faut dire que la menace mérite d’être prise au sérieux même si les industriels se refusent à « céder à la psychose », Jean-Michel Villeval dixit.

Le droniste du dimanche, une espèce redoutée

 

Le principal risque découle en réalité, non pas du terrorisme ou de l’espionnage industriel, mais du manque de vigilance et de connaissance des dronistes « du dimanche », prompts à s’écarter des circuits balisés. « En 2021, on comptait 2,5 millions de drones en France pour seulement 15.000 télé-pilotes confirmés et au fait de la réglementation. Les autres négligent la plupart du temps de lire la notice d’utilisation », rappelle Marin David.

 

Problème, cet amateurisme peut avoir des conséquences graves lorsque les pilotes se piquent de survoler une zone industrielle avec un engin lesté d’une batterie au lithium.  « Laisser tomber un drone accidentellement dans un champ, ce n’est pas exactement la même chose que de le laisser tomber au milieu d’un stockage de produits pétroliers par exemple, résume le directeur de Synerzip. D’où l’importance d’un système de surveillance ».

 

De son côté, Drone XTR a listé un certain nombre de recommandations en complément. La société préconise notamment le déploiement d’un protocole d’alerte standardisé sur les zones industrielles, la mise en place d’une autorité anti-drones compétente et de ses critères d’intervention ainsi que l’élaboration d’une fiche action en cas de chute de drone. Marin David est optimiste. Selon lui, les procédures devraient évoluer rapidement. « Depuis quelques mois, cette question est prise très au sérieux et les choses bougent vite, constate t-il.  L’omniprésence des drones sur le terrain de guerre de l’Ukraine n’y est pas pour rien ». CQFD. 

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